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Selon la légende, Corto Maltesse se livrait à la piraterie en mer de Chine au moment où Arthur Rambaud était accusé de trafic d’armes en mer Rouge. Les mers et les océans furent et demeurent un lieu d’affrontement féroce car déterminant pour le contrôle des routes maritimes, des territoires voisins et de leur richesse. Voleurs, aventuriers mais aussi nobles et grands soldats, cherchèrent constamment à s’emparer de comptoirs commerciaux pour arraisonner les navires étrangers, à des fins personnelles ou au nom d’États en quête d’expansion. De 1740 à 1748, la Guerre de Succession d’Autriche conduira l’Espagne, la France, les Provinces Unies et l’Angleterre à s’affronter sur mer sous toutes les latitudes. Elle sera l’une des périodes les propices à ce type d’action, tant les empires maritimes des belligérants s’étaient étendus au fil des décennies. Tous se voulaient hégémoniques et cherchaient, en vain, à s’imposer par la force.

Les pièces anglaises en or de 5 guinées, frappées en 1746 à partir de métal provenant de Lima au Pérou, en sont la parfaite illustration. Elles furent fabriquées à Londres avec de l’or espagnol saisit aux Philippines par le Commodoreanglais George Anson. Chargé en 1740 par le roi de neutraliser les bases espagnoles implantées dans l’océan Indien, ce dernier prit le commandement d’une flotte de six navires destinée à rendre tout commerce dans les mers du Sud impossible aux ennemis de la couronne. L’expédition en elle-même s’avéra catastrophique. A son retour en Angleterre, l’armada était réduite au seul navire amiral, le Centurion. Sur les 961 hommes de bord, seuls 335 revirent le sol britannique en juin 1744, le typhus et autres calamités ayant eu raison du reste de l’équipage et de la troupe.

Pourtant l’Histoire rendra grâce à l’amiral Anson. Il n’était pas rentré les calles vides ! Lui et ses hommes avaient réussi à s’emparer de puissants galions espagnols et de leurs précieuses cargaisons. On a alors estimé le butin à plus d’un million de Livres. Le plus célèbre d’entre eux, capturé le 20 juin 1743, la Nuestra Señora de Covadonga,figure même sur une superbe marine peinte vers 1745 par Samuel Scott. A lui seul, ce galion auraittransporté 1.313.843 pièces de 8 Reales, la valeur des autres pillages s’élevant à 600.000 livres. Une grande partie de ce « trésor » fut acheminée jusqu’à l’atelier monétaire royal de Londres. Le métal fut fondu et de nouvelles monnaies furent frappées. Pour rappeler cette singulière provenance, on associa au type monétaire habituel de l’or une brève inscription, LIMA, placée sous la troncature du cou de Georges II. Toutes et tous pouvaient ainsi se souvenir des aventures de celui que l’on appela dès lors le « Père de la marine »…

Une seconde origine, très similaire, a été proposée pour expliquer cette curieuse émission monétaire : l’or péruvien proviendrait de bateaux français en provenance d’Amérique du Sud. Ils auraient été capturés dans l’océan Atlantique en juillet 1745 par les capitaines James Talbot et John Morecok. Ces derniers auraient ensuite livré quarante-cinq wagonnets emplis d’or à la Tour de Londres. Certainement moins opportune car moins prestigieuse, cette version n’a pas été retenue. Quelle que soit la réalité, la pièce de 5 guinées dite du « trésor de Lima » s’avère l’une des monnaies modernes les plus spectaculaires par son module et son incroyable histoire.

François Planet

Conservateur du Médaillier du Musée des Beaux-Arts de Lyon